« Toutes les guerres finissent autours d’une table » Cheick Amadou BANDE de Tanwalbougou

Interview de Cheikh Amadou BANDE accordée à Gulmu Info à Ouagadougou le 17 Juin 2020. Les questions et la transcription ont été préparées par OUOBA Van Marcel OUOBA.

Présentez-vous nos lecteurs

Je suis le Cheick Amadou BANDE. Je suis né à Toumbenga à 7km de Gayeri dans la Komandiari d’un père Cheick, le feu Cheick Boukary BANDE, plus reconnu sous l’appellation Modibo Toumbengua. Je vis à Tanwalbougou dans la commune de Fada, province du Gourma avec plus de 500 personnes dans ma cour et ayant la charge de plus de 2000 personnes. Mon rôle dans la société est d’être un guide spirituel et de réunir toutes les personnes de toutes les couches sociales et ethniques vivant avec des maux ou pas. Mon maître spirituel était le Cheick Bab Sidi, qui résidait à Yagha dans le Massila. C’est de lui que je détiens mon sacerdoce depuis 1982.

Quelle définition donnez-vous au terrorisme ?

Je ne peux pas définir le mot terrorisme. La seule chose que je sais, c’est que c’est une très mauvaise chose. Nulle part dans nos livres saints, surtout pas dans le Coran, il est autorisé d’user de la force et de la terreur pour se faire entendre. C’est un acte puni par Dieu et ceux qui y sont le savent. Ils seront punis au dernier jour pendant le grand jugement.

Selon vous, quels sont les moyens à utiliser pour convertir les non musulmans ?

C’est écrit dans le Coran que c’est par l’exemple qu’on peut convertir les hommes. Un bon musulman qui veut convertir ses proches doit le faire par l’explications des préceptes et des valeurs de l’islam. Ce n’est ni par les armes, ni par la force qu’on convertit un homme. Si vous le faites, il n’aura pas la foi puisqu’il se soumettra par obligation. Son corps répondra à la prière mais pas son cœur ni son âme. Et pourtant, Dieu veut la pureté de notre corps mais surtout celle de notre cœur et de notre âme. Il est donc formellement interdit de forcer quelqu’un à se convertir.

Selon vous, d’où sont partis les germes de stigmatisation de la communauté peul à l’Est et particulièrement à Tanwalbougou ?

 Les vrais terroristes sont à la base. Ils savent ce qu’ils font. Je me rappelle au début des attaques dans le village de Tanwalbougou, ils n’étaient pas nombreux. C’était un petit groupe de brigands. Quand ils coupaient les voies menant aux marchés, ils refoulaient les autres ethnies mais laissaient passer les peuls. Plusieurs personnes ont commencé à indexer les peuls comme étant les amis des brigands, mais il faut aussi reconnaître que certains jeunes peuls comme d’autre jeunes des autres ethnies à la recherche du gain facile les ont approchés pour travailler avec eux. Petit à petit, ils ont fait croire à l’opinion que tous les peuls étaient leurs amis. Et pourtant ce sont les mêmes qui nous volent les animaux et violent nos femmes. Nous sommes victimes au même titre que les autres. Malheureusement, de plus en plus, les gens pensent que tout peul est mauvais ou que tout peul est terroriste.

Comment les peuls doivent alors faire pour ne pas être stigmatisé et éviter l’affrontement intercommunautaires ?

Je préfère encore répondre à la question, toutes les communautés doivent faire pour ne pas tomber dans le piège planifié par les vrais terroristes. Nous vivons en communauté depuis des centaines d’années. Des conflits sont arrivés mais nous avions trouvé des solutions. Aucune guerre ne se gagne par les armes. Elles finissent toutes autours d’une table. Les deux grandes guerres mondiales en sont les preuves. Les grandes nations se sont faites la guerre des années et des années. Mais la solution finale a été faite autours d’une table par un dialogue. Je crois et je tiens mordicus. « Le feu n’éteint pas le feu ». Ce n’est pas les armes qui lutteront contre le terrorisme. Le terrorisme n’est pas une personne ni un groupe de personnes, c’est une idéologie. Nous devons donc lutter contre le terrorisme en véhiculant des messages de cohésion sociale et de paix.

Nos dirigeants devraient mettre en place un comité de sages regroupant les personnes ressources de toutes les communautés ethniques de la région. Ce comité choisi sur la base de la sagesse et de la confiance et connaissant l’histoire de nos communautés constitueraient un noyau pour tracer les lignes de la cohésion entre les communautés. Par la suite, ils sillonneront tous les villages et toutes les villes de la région pour prêcher la paix, le vivre-ensemble et l’amour du prochain comme nous l’enseigne tous les livres saints.

Seriez-vous prêt à intégrer ce comité si les autorités décidaient de le mettre en place ?

Je serai le premier à inscrire mon nom. Aucun guide spirituel et religieux a la paix du cœur dans cette situation. Chaque jour on assiste impuissant à des tueries. Toute mort ne doit être applaudi. Les deux camps (FDS et terroristes) sont nos frères, nos amis et nos parents. Ils sont pour la plupart des burkinabè. Voir un burkinabè mourir et se réjouir, c’est faire preuve de manque d’humanisme et nos religions ne nous le conseillent pas. Je prie Dieu tous les jours que les armes arrêtent de crépiter et que toutes les personnes vivant dans la bourse rejoignent leurs familles et vivent dans la paix. Nous sommes fatigués de cette guerre. Il faut que cela prenne fin et dans un bref délai.

Votre dernier mot

Je souhaite l’entente entre toutes les communautés. Dans ma cour à Tanwalbougou, j’ai toutes les ethnies du Burkina et même des pays voisins. Nous y vivons sans problème et sans jamais chercher à faire la différence entre nous. Je rêve de voir nos autorités mettre en place le comité pour prôner la paix et la cohésion sociale. Je suis prêt au cas où cela sera une réalité, à m’investir corps et âme pour que notre mission réussisse. Je le fais déjà dans mes prêches et j’espère que les autorités auront une oreille attentive à mon appel.

Interview réalisée par Van Marcel OUOBA

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