Présidentielles 2020 au Burkina Faso : quelle négociation pour quelle élection ?

Depuis une dizaine d’années les négociations de marché entre les multinationales étrangères et les Etats souverains d’Afrique surtout subsaharienne se sont fait on ne peut plus pressantes. Elles le sont encore plus depuis l’avènement lugubre de la déstabilisation programmée du tissu socio-économique et de l’autorité des Etats par des individus sans foi ni loi totalement dépourvus d’humanisme et pourtant soutenus par des puissances étrangères jouant le double jeu d’alliances incestueuses. Cette nouvelle donne à n’en pas douter sert de cave d’Ali Baba pour ces multinationales qui voient là une aubaine pour soutirer des gros contrats juteux mais amères en termes de retombées économiques non seulement pour les populations mais aussi pour le progrès des pays concernés. Ce n’est pas pour rien que ces pays d’Afrique subsaharienne continuent à tirer le diable par la queue dans le classement mondial des pays les plus miséreux du monde.

La France par exemple, pour ce qui nous concerne, n’ayant aucune ressource naturelle sur son sol et son sous sol à part « le blé et Chicoré le roux » selon le Professeur Laurent BADO, tire ses richesses de ses entreprises multinationales telles Total, SITARAIL/Bolloré, Areva, Bouygues , Arquus, Satom SOGEA, Colas, Thales Dis France SA, Alstrom, Keolis. Ceci pourrait expliquer le fait que ces négociations soient menées avec par les dirigeants Français. En 2010, déjà,c’est Nicolas Sarkozy, qui avait dirigé les négociations sur la révision des contrats d’exploitation de l’Uranium du Niger par Areva.

Pour le cas du Burkina, de Hollande à Macron, ce sont les autorités françaises qui dirigent les négociations de la réhabilitation du chemin de fer Abidjan-Ouaga-Tambao par Sitarail/Bolloré. Les autorités Françaises utilisent pour objet de change la lutte contre le terrorisme. D’ailleurs, « En tant qu’ancienne ministre j’ai suivi les pourparlers sur ce dossier et j’ai vu comment les négociations se passent. Ma conclusion est sans appel. Ce qui se passe dans ce dossier n’est pas de la négociation mais simplement de la pseudo-négociation. Quand les facteurs externes et des acteurs indirects qui ne sont pas autour de la table de négociation déterminent plus l’issue d’une négociation et le contenu d’un accord, il ne s’agit pas d’une vraie négociation… Actuellement, l’Etat burkinabè est dans une situation difficile à cause de l’insécurité et des problèmes financiers. C’est le pire moment pour revenir à l’attaque et conclure à l’arraché cet accord sur la gestion du chemin de fer qui semble être le plus important dossier pour la coopération et les politiques français dans notre pays. Au finish, nous avons assisté à une négociation de type gagnant-perdant, conclue aux forceps avec comme moyen de chantage évident l’appui sécuritaire dans la lutte contre le terrorisme. », affirmait Nestorine SANGARE ,ancienne Ministre de la Femme.

En outre, dans le compte rendu du Conseil des Ministres tenu le mercredi 22 janvier 2020, en séance ordinaire, de 09 H 20 mn à 14 H 50 mn, sous la présidence de Son Excellence Monsieur Roch Marc Christian KABORE, Président du Faso, Président du Conseil des ministres, nous pouvons lire ce qui suit :
« – un rapport relatif à une autorisation pour la conclusion d’un contrat par la procédure d’entente directe avec le groupement d’entreprises Thalès Dis France SA et l’entreprise Information Concept (I. Concept) pour l’acquisition des kits d’enrôlement et la mise à jour de la solution informatique pour l’enrôlement au profit de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dans le cadre du processus électoral en cours. Le Conseil a marqué son accord pour l’attribution des marchés aux entreprises ci-dessus citées :
– le volet livraison d’équipements et transfert de compétences sera assuré par le groupement d’entreprises Thalès Dis France SA pour un montant de quatorze milliards cinq cent quatre-vingt-sept millions sept cent cinquante-huit mille six cent douze (14 587 758 612) F CFA TTC, avec un délai d’exécution de sept (07) mois ;
– le volet prestation de services (l’installation des logiciels, licences, la formation des techniciens de la CENI, des superviseurs et des opérateurs de kits, l’assistance à la CENI sur le terrain, …) sera conjointement assuré par le groupement d’entreprises Thalès Dis France SA et l’entreprise Information Concept (I. Concept) pour un montant de trois milliards neuf cent trente-deux millions cent quatre-vingt-quatre mille cinq cent trente-un (3 932 184 531) F CFA TTC, avec un délai d’exécution de sept (07) mois. Le financement est assuré par le budget de l’Etat, exercices 2019, 2020 et 2021 »

Comment est-il possible d’accorder un marché public de plus de dix huit (18) milliards de Franc CFA à des entreprises sur entente directe ? Qu’est ce que cela pourrait- il sous-tendre ?

De cette attribution qui aurait été soutenue par le Ministre des Affaires Etrangères, nous pouvons affirmer qu’elle aura eu pour contre partie le soutien de Barkhane pour la sécurisation des élections à venir. Il faudrait également s’attendre à ce que la France revienne sur la table des négociations d’ici quelques mois pour augmenter ce budget comme ce fut le cas pour la réhabilitation du Chemin de fer. Rappelez vous que la France avait demandé que le budget de la réhabilitation soit revu à la hausse car estimant que le fait que le Burkina Faso avait engagé les discussions avec le Ghana pour un autre chemin fer Ouaga-Tema portait atteinte aux intérêts français. Une attitude qui avait été dénoncée par le Président KABORE lors du point de presse du TAC avec Le Président Ivoirien Alassane Dramane OUATTARA: «Concernant la SITARAIL, nous avons eu la dernière fois à le rencontrer pour comprendre pourquoi après avoir défini un jour où on devrait faire un lancement commun des travaux ; la veille, ces travaux ont été reportés. Evidemment il y a deux types de problèmes qui se posent au niveau de la SITARAIL. Je pense, il faut qu’on soit relativement franc là-dessus. Parce que les arguments qui ont été avancés c’était de dire que d’une part, le fait que le Burkina Faso et le Ghana étaient entrain de réfléchir à la construction d’un chemin fer, ça remettait en cause la viabilité de la ligne Abidjan Ouaga-Tambao… Ils ont dit que le schéma financier sur lequel ils étaient fondés au départ leur pose des difficultés de rentabilités qu’ils sont entrain de le réajuster…»

Le risque que ces élections soient truquées de chantages de la part de la France est bien perceptible. Le peu de souveraineté acquise de l’insurrection de 2014, est entrain de rentrer en état de mort cérébrale.

C’est inadmissible que le Burkina Faso n’ait pas prévu après 5 élections une expertise nationale capable de gérer les questions techniques de ses élections sans avoir à faire appel à la puissance colonisatrice. Nul besoin de dire que la France a plus que besoin de Présidents contestés en Afrique pour continuer à leur dicter sa volonté.

Oeil D’Afrik
Le Président
Larba Israël LOMPO

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *