Matiacoali: “plus d’une centaine de jeunes filles n’auront plus droit à l’éducation » Labidi OUALY, président de l’ATSY Burkina

Pour cette année scolaire 2022-2023, plus d’une centaine de jeunes filles et garçons ne rejoindront pas les salles de classes dans la commune de Matiacoali. L’Association Tin-Soagi Yaba, créée en 2000, et qui aide les jeunes filles scolaires de la commune de Matiacoali depuis 2013, n’est plus certaine de pouvoir appuyer les jeunes à cause de l’insécurité dans la commune. Son président Monsieur OUALY Labidi, s’est confié à notre micro.

 

Gulmu.Info (G.I): Monsieur OUALY, parlez-nous de votre association et des actions qu’elle mène sur le terrain.

 

Labidi Oualy (L.O): L’Association Tin-Soagi Yaba a été créée en septembre 2000 pour soulager la souffrance des populations de la région de l’Est. Avec pour siège Matiacoali à mi-chemin de Fada N’Gourma et du chef-lieu de la province de la Tapoa, notre association a eu pour objectif principal, la  promotion de développement local axée sur l’éducation. C’est ainsi qu’en 2013, avec l’appui de nos partenaires de l’Europe, nous avons apporté un soutien à l’éducation des jeunes filles et garçons dans le but de faciliter leurs accès à l’éducation. Nos actions ont consisté à l’octroi des prêts scolaires aux parents défavorisés pour assurer les frais de scolarité de leurs enfants au collège et au lycée. Un centre d’accueil a été construit en 2017 pour accueillir les jeunes filles, sans tuteurs, dans le but de les héberger et faciliter leurs insertions scolaires. Ce projet a été rendu possible grâce à l’appui technique et financier des partenaires français et suisse (ATSY France et Association Kansundi) ainsi que la municipalité de Matiacoali.

 

G.I: L’insécurité dans la région de l’Est a contraint plus d’une centaine d’établissements scolaires à fermer les salles de classes. Quelle est la situation à Matiacoali, particulièrement pour vos filles?

 

Dans la commune de Matiacoali, en dehors de la ville de Matiacoali, aucune école n’est épargnée par la fermeture. Tous les élèves de la commune et des villages voisins de la commune ont été contraints de se replier dans la ville pour poursuivre les études avec beaucoup de difficultés. A ce jour, les salles de classes de la ville de Matiacoali sont pléthoriques au point où, trouver de la place dans une école est devenu un chemin de croix. Pour nos filles, aujourd’hui, nous ne savons plus quoi faire. Plus d’une centaine de jeunes filles n’auront plus droit à l’éducation pour cette année scolaire. Par manque d’appui des partenaires et compte tenu du nombre élevé de déplacés internes, nous sommes débordés. Nous avons une capacité d’accueil de moins de 20 personnes  pour plus de 200 demandes. Que faire? Nous subissons l’actualité et continuons de demander l’accompagnement des partenaires pour venir en aide aux jeunes filles en risque de déscolarisation.

 

G.I: Quelles sont les difficultés rencontrées depuis le début de l’insécurité?

 

En 2020, alors que le terrorisme commençait à se faire ressentir dans la localité, les parents ont afflué vers nos services pour confier les enfants. Fort malheureusement, nos capacités de prise en charge étaient très insuffisantes nous obligeant à refouler malgré nous, plusieurs jeunes filles qui ont été pour la plupart contraintes au mariage précoce et forcé par les parents. Par la suite, plusieurs de nos partenaires, craignant ce qui s’est produit à Chibok au Nigéria, se sont abstenus de nous accompagner dans ce projet. Le pire est qu’à la rentrée scolaire 2022-2023, alors que les membres de notre association avaient quitté Fada pour Matiacoali avec l’argent pour les prêts scolaires, des hommes armés les ont interceptés dans la zone de Ougarou, à une dizaine de kilomètres de Matiacoali. Ils seront enlevés et dépouillés de tout, et relâchés plusieurs heures plus tard. Aujourd’hui, nous avons sur la conscience plusieurs jeunes filles dans nos centres, incapables de rejoindre leurs parents et que nous peinons à donner à manger.

 

G.I: Que faites-vous des filles qui sont actuellement dans votre centre sans possibilité de rejoindre leurs parents?

 

Nous faisons ce que nous pouvons. Avec les cotisations et les apports des membres de notre association, nous essayons de leur venir en aide. Mais cela est très insuffisant et nous demandons l’aide des parents d’élèves qui, avec la situation sécuritaire, ont beaucoup de difficultés pour répondre à nos sollicitations. Aujourd’hui, plusieurs filles ont quitté le centre et nous en avons accueilli moins d’une dizaine pour l’année scolaire 2022-2023. Cela nous chagrine mais nous sommes obligés de faire avec. Toutes ces filles sans instruction scolaire augmenteront le nombre de femmes incapables de se prendre en charge et de s’épanouir dans la société.

 

G.I: Que préconisez-vous pour solutionner cette crise scolaire.

 

L’éducation est l’arme fatale pour le développement. Le gouvernement et les acteurs sociaux se doivent de mettre encore plus d’énergie sur ce secteur car sans l’éducation, nous sommes appelés à disparaître.  Si le terrorisme a de vieux jours dans la région, c’est du faite que nos populations ne sont pas très instruites pour mesurer certains mode et courant philosophique au point où, il est très facile pour les extrémistes de les endoctriner. Si le gouvernement relève le niveau d’instruction de nos populations, nous gagnerons en partie cette bataille. Nous appelons tous les partenaires à ne pas baisser les bras et à redoubler d’efforts pour sauver ce secteur qui se meurt dans la région de l’Est avec plus de 75% des établissements d’éducation fermés. Mon appel va à l’endroit du Gouvernement et des partenaires sociaux, la lutte contre l’insécurité commence par la lutte contre l’analphabétisme. C’est l’unique solution pour sortir le pays de ce bourbier.

 

Propos recueillis par Van Marcel OUOBA, pour Gulmu Info

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