Les victimes de l’ombre de la crise sécuritaire et sanitaire

Région du Sahel. Alassane S. est un employé d’une grande ONG et il gagnait bien sa vie, s’occupait décemment des siens. Un matin de 2017, sa vie va prendre un autre cours. « J’étais en tournée de supervision dans les villages. À mon retour, mon domicile était occupé par des étrangers armés. Ils m’ont demandé pour qui je travaille et en quoi consiste mon travail. Après m’avoir écouté et interrogé longuement, ils m’ont demandé de faire ma valise, de partir et de ne plus revenir ; sinon gare à ma vie. Pour m’aider, ils ont incendié la maison, et emporté la moto de service ».

Idani K, lui, était un agent communautaire en poste à Foutouri dans l’Est du pays. Sa famille se trouve à 200 km de là. Un jour de l’an 2021, sa vie va devenir un enfer. Aucun de ses villages d’intervention n’est accessible. Ils sont sous blocus des HANI. Son employeur est obligé de fermer.

Dans le Sud-Ouest, Boukaré Z. a vu l’épidémie de la COVID 19 détruire ses rêves, sa vie sans prévenir. En raison de cette épidémie étouffante, une grave crise économique est apparue. Des millions d’emplois sont supprimés dans le monde. Au Burkina Faso, les institutions et ONG, OSC qui dépendent de la finance mondiale pour travailler, sont ébranlées. Beaucoup ferment. Boukaré Z. est loin de sa famille. Son Kongoussi natal est loin de Batié. Il va la rejoindre, pour commencer une autre vie.

Son employeur a dû fermer pour raison de crise économique. Du coup, il s’est retrouvé en chômage. Il a perdu tout espoir avec la dégradation de la situation sécuritaire. Il travaillait loin de sa famille.

Il y a des centaines de personnes qui sont dans la même situation que Boukaré Z., Alassane et Idani K. Ce sont les victimes de l’ombre de la COVID 19 et de l’insécurité. Toutes ces personnes travaillaient dans des structures privées et ont perdu leurs emplois pour l’une ou l’autre raison aux mêmes conséquences. Surtout, elles étaient dans d’autres villes.

Une fois qu’elles rejoignent leur village natal, ils éprouvent d’énormes difficultés à s’occuper de leurs familles.  Boukaré a un prêt bancaire. Les droits de fin de contrat pour raison économique sont bloqués par la banque pour le reste des traites. Avec son âge avancé, c’est difficile d’avoir un autre emploi, quand ils ne sont pas simplement rares. Un nouveau pauvre est né. Difficultés à nourrir la famille, enfants déscolarisés, Stress, divorce, refus de la honte, Suicide.

Ces victimes de l’ombre ne sont pas considérées comme des Personnes Déplacées Internes (PDI), mais comme des personnes qui ont une famille sur place, oubliant que, c’est avec le salaire qu’il ne peut plus ramener, qu’il s’occupait de la famille.  Du coup, elles se retrouvent totalement démunies et stigmatisées. Les proches parents s’en moquent sous cape, La grande famille « s’en lasse où vous tourne le dos ».

La famille ne voit pas un parent qui est dans une telle situation, comme personne déplacée, mais, comme quelqu’un qui a perdu son emploi. Quelqu’un qui n’a pas besoin d’aide. Pourtant, la famille, les amis de ces personnes remarquent que leurs enfants ne plus en classe, la nourriture est rare, la bagarre fréquente dans un ménage jadis paisible.

L’autorité ne la prend pas en compte par ignorance(?). Quand elles se présentent au niveau des services sociaux, les humanitaires remarquent qu’il est écrit sur leurs documents d’identité, « conservateur de faune », ou « ingénieur ». Les agents sociaux ne font pas attention à la loque humaine qui peine à lui parler ; tant, il n’a pas mangé depuis trois jours.

Ces victimes de l’ombre font face à la lâcheté de l’entourage, cependant tout le monde sait que l’autre ne travaille plus, n’a plus de quoi subvenir aux besoins primaires de sa famille.

Ce sont ces centaines de victimes de l’ombre qui lancent un cri de cœur au gouvernement. Oui, la crise sécuritaire, ce ne sont pas seulement ceux qui ont fui leurs villages. Il y a ceux qui ont perdu leur emploi et tout avec.

Van Marcel OUOBA, Gulmu.info

 

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