À Fada N’Gourma, l’intelligence artificielle sort des laboratoires pour rencontrer la jeunesse

Ce samedi 31 Mai 2025, la salle de conférence de la Chambre de commerce de Fada N’Gourma a accueilli une formation pas comme les autres. Devant une trentaine de jeunes attentifs, un homme au parcours international déroulait des concepts pointus avec une simplicité accessible : l’intelligence artificielle (IA) n’est pas une affaire d’élites, mais un outil que chaque Burkinabè peut apprivoiser pour améliorer son quotidien.

Cet homme, c’est Dr Olivier Lompo, enseignant-chercheur en informatique à l’Université de Franche-Comté et à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, originaire de Fada, où il a fait sa terminale. Venu à l’invitation de l’association Lecture pour tous, il a animé un séminaire d’introduction à l’IA, en partenariat avec la future Maison de l’intelligence artificielle, qu’il compte lancer le 24 juin prochain.

Un retour aux sources et un pari sur la jeunesse

« Ce projet, c’est ma façon de redonner à la terre qui m’a vu grandir », confie Dr Lompo. « J’ai étudié ici, au lycée Diaba Lompo. Ce que j’ai construit, je l’ai bâti pierre après pierre. Aujourd’hui, je reviens pour dire à ceux qui sont restés : vous aussi, vous pouvez réussir. »

Pour lui, l’intelligence artificielle n’est pas une entité lointaine réservée aux géants de la Silicon Valley. Elle est déjà là, dans nos téléphones, nos outils de travail, nos recherches sur internet, nos projets commerciaux. Et plus encore, elle est une opportunité de développement local à ne pas négliger.

Du numérique à l’impact concret

À ses côtés, Amadou Lankouandé, président de l’association Lecture pour tous, voit dans l’IA un levier nouveau pour stimuler l’accès au savoir et renforcer les compétences des jeunes et des acteurs de l’informel.

« Avec plus de 3000 ouvrages, notre bibliothèque donne déjà accès à la culture écrite. Aujourd’hui, nous voulons aider la jeunesse à comprendre les nouveaux outils numériques, car c’est par eux qu’ils peuvent créer, s’orienter, vendre, et mieux s’adapter à la modernité », explique-t-il.

Selon lui, même les commerçants des marchés peuvent tirer profit de l’IA : pour gérer leurs stocks, mieux cibler leur clientèle, ou simplement apprendre à utiliser des outils numériques d’aide à la décision. « Il ne s’agit pas d’élitisme, mais de pragmatisme. »

Un pari modeste, un impact réel

Initialement, les organisateurs espéraient à peine une quinzaine de participants. Finalement, plus de 30 jeunes, étudiants, apprentis ou entrepreneurs, ont répondu présent. « Ce succès montre que l’envie est là. Il ne manque que les déclencheurs », estime Dr Lompo.

Le session a permis de démystifier l’IA, d’en expliquer les bases, les domaines d’application (santé, éducation, environnement, sécurité, entrepreneuriat), et d’exposer des exemples d’usage accessibles à tous. La formation a également mis en lumière l’importance de dialoguer avec les machines intelligentes, en comprenant comment elles apprennent et interagissent.

Un projet de territoire, une vision nationale

Ce séminaire n’était qu’un début. L’ambition est grande : faire de Fada un point de départ pour un maillage national autour de l’intelligence artificielle à la base. La Maison de l’IA, incubée par l’équipe de Dr Lompo, se veut un centre de formation, de sensibilisation et de création de solutions locales, où jeunes développeurs, commerçants, artisans ou étudiants pourront trouver des outils adaptés à leur réalité.

L’intelligence artificielle, une opportunité populaire ?

Ce qui ressort de cette initiative, c’est un message simple mais puissant : l’IA n’est pas un luxe. C’est un outil. Et tout outil peut servir celui qui en connaît l’usage.

Alors que les défis socioéconomiques sont nombreux, le pari lancé à Fada est clair : former pour transformer, sensibiliser pour libérer le potentiel local, et replacer la technologie au service de ceux qu’on oublie trop souvent dans les grandes révolutions numériques. « Si la jeunesse de Fada s’approprie ces outils, alors tout devient possible », conclut Amadou Lankouandé. Et cette fois, ce n’est pas une promesse virtuelle.

Issa THIOMBIANO, Gulmu Info