Témoignage d’un rescapé de Tanwalbougou : « Ils ne sont pas morts par balle »

La mort de douze personnes détenues dans les locaux de la gendarmerie de Tanwalbougou, dans la commune de Fada N’Gourma continue de susciter beaucoup de questions sur les raisons de ce drame. Selon le procureur de Fada N’Gourma, ces personnes ont été arrêtées pour « suspicion de faits de terrorisme » et sont mortes dans leurs cellules. Cette version est contestée par le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) et le MBDHP (Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples).

Sur douze personnes gardées à vue, huit (08) ont bénéficié d’une liberté provisoire le 03 Juin 2020. Gulmu Info est allé à leur rencontre dès l’annonce de leur libération. Si sept (07) ont refusé de témoigner, un a bien voulu répondre à nos questions. Il nous a livré un récit saisissant sur la manière dont ses codétenus sont morts dans la cellule de la gendarmerie de Tanwalbougou.

Quand les premières personnes ont commencé à rendre l’âme dans la nuit, Abdoulaye (Non d’emprunt) s’est jeté par terre, recroquevillé. Il a fait le mort, convaincu que son heure était venue : « J’attendais mon tour. »

Pendant de longues heures d’une indicible angoisse, il a entendu la porte de la prison s’ouvrir. Lui peine à expliquer qu’il soit toujours en vie. « C’est un miracle », confie-t-il à Gulmu Info. « Quand j’ai ouvert les yeux, il n’y avait plus que des cadavres » partout.

Au total, 12 personnes ont péri dans la cellule de gendarmerie de Tanwalbougou.

L’un après l’autre

Comme de nombreux codétenus, Abdoulaye s’était rendu au marché pour faire des provisions et prendre du bon temps. Il ne se serait jamais imaginé que sa venue dans ce marché de Pentchangou lui aurait couté le cauchemar. Avec ses amis, ils étaient entrain d’échanger lorsque la gendarmerie est venue les arrêter, nous confie M. Abdoulaye. « Nous avons été conduit au poste pour des interrogations et l’un après l’autre, nous avons subi le martyr » ajoute-t-il.  « A mon tour, j’ai été copieusement bastonné et maltraité parce que je refusais de dire ce que je ne savais pas… Chacun de nous est passé en enfer et tu ne pouvais avoir la vie sauve que si tu jouais au mort. »

« J’ai simplement fait comme si j’étais mort »

C’est alors que tout un chacun a reçu sa part de bastonnade. M. Abdoulaye, lui, s’est instantanément jeté au sol, jouant à la personne qui n’avait plus de force pour crier avant qu’on ne le ramène en cellule. Il est encore écœuré du caractère méthodique des gendarmes qui continuaient de frapper sur les corps tétanisés.

« Ces types nous frappaient au hasard, à gauche et à droite… Arrivés en cellule, nous étions tous à bout de souffle. Fatigués, blessés et terrorisés, plusieurs d’entre nous ont rendu l’âme devant sous nos yeux. On a assisté impuissant à la mort de douze d’entre nous. »

« J’ai attendu ma mort en vain »

M. Abdoulaye dit avoir senti la mort passée à proximité. « J’attendais mon tour. A chaque fois que l’un d’entre nous ne respirait plus, je me disais : Le prochain c’est pour moi, et j’ai perdu espoir », dit-il. Il s’est alors mis à prier en silence et à penser à sa famille.

Pendant les heures toutes aussi interminables qui ont suivi, aucun survivant n’a osé faire de bruit. Mais le silence a été brisé par l’ouverture de la cellule pour faire sortir les corps. « Il y avait du sang partout. A ce que je sache, ils ne sont pas morts par balle »

Gulmu Info.

Une réflexion sur “Témoignage d’un rescapé de Tanwalbougou : « Ils ne sont pas morts par balle »

  • 15 juin 2020 à 10 h 39 min
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    bonjour,pour les décès à la gendarmerie,les photos des cadavres ne méritent pas d`être publiées.

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