« Notre beau pays est maintenant présenté comme un pays où la vie est difficile » Eugénie JOSEF COULIDIATY
Eugénie JOSEF/COULIDIATY est une native de la région de l’Est vivant en Allemagne. Comme dans ses habitudes, elle est revenue cette année voire les siens et apporter sa contribution pour la prise en charge des personnes victimes du terrorisme dans la région. Contactée par nos équipes, elle a bien voulu nous confier ces mots.
Gulmu Info (G.I) Présentez-vous à nos lecteurs
Je suis Eugenie JOSEF/COULIDIATY, burkinabè et je vis en Allemagne depuis 26 ans. Je suis une éducatrice et j’ai en charge une crèche dans ma ville de résidence.
Comment vous êtes-vous retrouvés en Allemagne ?
C’est une longue histoire. C’est par le biais d’un jumelage entre Karlsruhe, Ettlingen en Allemagne, Epernay en France et Fada N.Gourma. J’ai intégrée le groupe en 1989. Des voyages d’amitié avaient lieu chaque année et j’ai été membre d’une mission en 1991. C’est ainsi que j’ai rencontré mon époux et depuis 1995, je vis dans son pays qui est aussi le mien maintenant. Mais je suis restée collée à ma terre patrie et chaque année, quand le temps me le permet, je reviens au pays pour vivre avec ma famille, ma Maman, mes sœurs et frères.
On peut aller en aventure partout dans le monde, mais l’essentiel est de ne jamais au grand jamais oublier d’où l’on vient.
Sur les réseaux sociaux, vous avez plusieurs fois fait parler votre cœur. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Quand les problèmes ont commencé dans mon pays le BurkinaFaso, je me suis sentie dans l’obligation de venir en aide à mes sœurs, mères et enfants qui sont dans la souffrance. Avec le peu que j’ai, j’ai entre autres soutenu les veuves et orphelins du terrorisme, j’ai participé au payement de la scolarité de pas mal d’éléves d’orphelins, j’ai participé à la sensibilisation du code de la route dans quelques écoles, je suis maraine d’un enfant orphelin malade…
Nous avons avec notre petit groupe de la Diaspora du Gulmu payé la scolarité, année 2020-2021 de 67 élèves déplacés.
Aussi, à travers les amis qui vivent ici, j’ai apporté une modeste contribution pour venir en aide aux populations en détresse. Pour cette année, avant d’aller en vacances, j’ai organisé une collecte de jouets et de vêtements dans mon école et ma ville. Plusieurs personnes ont répondu favorablement à mon appel et nous avons collecté une cinquantaine de cartons qui ont été convoyés ici. Par pure coïncidence, les déplacés internes de Madjoari ont déjà bénéficié d’une trentaine de cartons, et le reste attend d’être acheminé vers d’autres personnes dans le besoin.
Comment vous vous prenez pour venir en aide aux personnes défavorisées?
Avant je le faisais personnellement, mais depuis le mois de Mars 2021, je dirige une association qui milite pour la promotion de la cohésion sociale et la lutte contre le racisme. L’Association se nomme « Tjianyienou Lichtblick fur Africa e.V. » qui signifie « L’Association Tjanyienou source de lumière pour l’Afrique. ». Son objectif est de promouvoir la coopération au développement et les relations Internationales, de cultiver la tolérance et la solidarité des cultures, de développer l’aide pour les enfants et les personnes démunies, de promouvoir l’Education et la formation professionnelle. Le siège est à Nierstein en Allemagne.
Avec des jeunes allemands et burkinabè, et bien d’autres nationalités, nous menons des actions d’acception de l’autre et de la culture de la paix.
Quels sont les messages que vous véhiculez dans votre Association ?
Je trouve que de plus en plus au Burkina comme partout ailleurs que nous sommes désunis. Nous devons réapprendre à cultiver la tolérance, la compréhension mutuelle, les rencontres. Nous devons apprendre à se retrouver pour bavarder de tout et de rien, en mettant en avant nos valeurs sociales telles que la parenté à plaisanterie, l’entraide sociale, le partage des connaissances. Nous devons réapprendre à agir sans rien attendre en retour.
Que ressentez-vous aujourd’hui quand vous voyez votre pays dans une situation d’insécurité ?
Mon pays, le pays des hommes intègres. Monsieur Ouoba, de la pitié, de l’incompréhension. Avant on accusait seulement les étrangers, mais je suis écœurée de voir que des fils du Burkina se lèvent contre leur mère patrie. Nous étions fiers de dire que nous venons du Burkina. Mais aujourd’hui cette fierté s’est un peu envolée et il est parfois difficile d’accepter que ce soit sur cette terre où on avait la joie de vivre que des personnes innocentes sont égorgées ou tuées dans des villages et même dans des villes. Ceux qui ont la chance arrivent a déserter les lieux à temps. Notre beau pays est maintenant présenté comme un pays où la vie est difficile et il est difficile de dire aux autres que ce sont nos pauvres parents qui sont utilisés comme des mercenaires. C’est dure d’accepter que ce sont nos propres frères qui font cela.
Durant votre séjour à Fada, vous avez visité des sites de déplacés. Quel a été votre ressenti ?
Ils sont courageux ces hommes et ces femmes qui ont été contraints de quitter leurs villages pour vivre en ville dans des conditions très difficiles et dans des endroits où ils n’ont peut-être jamais été. Quand j’ai visité ces sites, j’ai trouvé des personnes qui sont isolées de la société et qui attendent que l’occasion leurs soit offerte de rentrer chez elle. J’ai failli couler des larmes.
Qu’est-ce qui peut être fait selon vous actuellement pour ces déplacés ?
Il nous faut être solidaires envers eux. Il est écœurant de voir la vie que mènent le déplacés internes. Ils sont mis à l’écart, voire stigmatisés au risque de tomber dans l’extrémisme violence. Il faudra penser à créer des cadres de concertation et d’échanges entre les personnes déplacées internes et la population pour qu’elles se sentent burkinabè.
A défaut, elles vont déprimer, pensant être rejetées et risqueront de tomber dans les rangs des mauvaises personnes. En bref, nous devons les occuper.
Comment voyez-vous votre association dans deux ans.
Pour l’instant, nous sommes en phase d’installation et nos objectifs pour les deux ans à venir sont modérés. Nous souhaitons dans un futur proche avoir un partenaire ici qui a les mêmes objectifs afin qu’on puisse mener des actions surtout humanitaires ensemble.
Votre mot de fin
Je souhaite ou plutôt, je veux que la paix et la cohésion sociale reviennent dans mon pays. Je souhaite que nos dirigeants trouvent rapidement des solutions pour éradiquer ce fléau et qu’ils se penchent rapidement et urgeament sur le cas des régions de l’Est du Nord et du Sahel qui souffrent depuis des années.
Merci monsieur OUOBA de m’avoir permis de m’exprimer au micro de Gulmu Info.
Merci à toute l’équipe.
Eugénie Josef Coulidiaty