Foncier à Fada : quand le terrain glisse jusque dans le prétoire
Le foncier est souvent au cœur des tensions locales au Burkina Faso. À Fada N’Gourma, il vient de propulser l’ancien maire Jean-Claude Louari et huit autres prévenus sur le banc des accusés. Le 26 mai 2025, ils ont comparu devant la Chambre correctionnelle du pôle économique et financier de Ouagadougou de lourdes accusations : abus de fonction, complicité, acceptation de cadeau indu, prise illégale d’intérêt, népotisme. Rien que ça. L’audience a été renvoyée au 9 Juin 2025.
Ce que l’on reproche à l’ex-maire et à ses coaccusés, c’est d’avoir été mêlés à une opération opaque autour de cinq hectares de terres situés en bordure de la route de Koaré, dans sur l’axe Fada-Pama. Un terrain censé servir à la construction de logements sociaux par la Coopérative de l’habitat du Gulmu, créée en 2016 pour accompagner la politique nationale de logements accessibles. Avec l’accompagnement de la mairie, la Coopérative avait légitimement acquis la parcelle auprès des propriétaires terriens, et fait réaliser à ses frais les études et les travaux d’aménagement.
Et pourtant, quelques années plus tard, des tiers surgissent de nulle part, se revendiquent propriétaires de parcelles, et construisent, sans qu’aucun acte officiel de lotissement n’ait été effectué. Le maire de l’époque, Jean-Claude Louari, dit n’être au courant de rien. L’urbanisme régional, lui, botte en touche. La Coopérative, désabusée, n’a plus d’autre recours que de saisir l’ASCE/LC. Et l’enquête déclenchée a visiblement levé un voile sombre : le ministère public a estimé les faits suffisamment graves pour saisir la justice.
À travers cette affaire, c’est une question fondamentale de gouvernance locale qui est posée. Quand les élus ou les cadres techniques, censés défendre l’intérêt général, manipulent ou ferment les yeux sur des opérations immobilières douteuses, ce sont les espoirs et les droits de centaines de familles qui s’effondrent. La Coopérative du Gulmu, aujourd’hui partie civile, n’est pas une multinationale : c’est une structure citoyenne, engagée, qui représente des enseignants, des infirmiers, des commerçants, des agents publics. Tous rêvaient d’un toit.
Le procès attendu n’est donc pas qu’un événement judiciaire de plus. Il représente une opportunité pour la justice de rappeler que le pouvoir local n’est pas un permis d’enrichissement ou de favoritisme, mais une responsabilité. Il devra aussi donner un signal fort à toutes les Coopératives, associations ou citoyens qui, dans le pays, luttent dans le silence contre les injustices foncières.
À Yendabli, l’heure est à la vérité. Et la vérité, seule, pourra restaurer la confiance.
Van Marcel OUOBA, Gulmu Info