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Fada: Les persones déplacées internes qui n’attendent pas l’aide humanitaire

A la date du 31 Mars 2023, selon le rapport du Conseil National de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR), 2 062 534 personnes, soit Une personne sur Dix au Burkina est déplacée par l’insécurité. La province du Gourma accueille à elle seule plus de 07,19% de personnes déplacées internes. Fada N’Gourma, la capitale de la province, accueille un groupe de personnes déplacées internes, qui contrairement aux autres, s’active pour se construire une nouvelle vie. Ces personnes qui ont dû fuir leur ville natale à cause de l’insécurité et qui se sont réfugiées dans la ville de Fada, se sont vite habitués à la vie de la ville et n’attendent plus la solidarité des populations hôtes et des Organisations non gouvernementales (ONG) pour vivre.

Comment s’adaptent les DPI à Fada,  un nouvel environnement social et économique ? Quels sont les ressorts de leur résilience face aux défis quotidiens ? 

Nous avons fait une immersion au sein de la communauté des PDI à Fada. Nous y avons rencontré des déplacés internes qui ont un souci capital : préserver leur dignité

« Arrivé à Fada j’ai poursuivi les études de la seconde en terminal en cours du soir. C’est en première que j’ai commencé à rencontrer beaucoup de soucis financiers. En classe de terminal, j’ai dû arrêter parce que je ne pouvais plus payer mes frais de scolarité, ni mon loyer » nous a confié Ouoba Hamyabidi, un déplacé interne aujourd’hui coiffeur.

La vie d’une personne déplacée interne n’est pas du tout reluisante

La vie d’une personne déplacée interne n’est pas du tout reluisante. Il est difficile pour elle de vivre en ville. Dans la plupart des cas, elle a été forcée de quitter son foyer en raison de conflits ou de la violence, ce qui entraîne un traumatisme émotionnel et physique qui affecte sa capacité à s’adapter à un nouvel environnement. Bandiba NATAMA, nous a confié ceci : « Ici tout se paie. On achète pour manger, pour boire et même pour dormir. J’ai beaucoup de difficultés pour m’adapter. L’argent qui me servait pour un mois, ne me permet même plus de tenir 3 jours depuis que je suis à Fada ».

L’autre difficulté des personnes déplacées internes dans la ville de Fada est le fait qu’ils n’ont pas toujours accès aux mêmes services ou opportunités que les résidents locaux de la ville. Ce qui rend leur vie encore plus difficile. Afsata DIALLO, une déplacée interne vit à Fada depuis 3 ans. Elle estime faire face à la discrimination et aux préjugés de la part des résidents locaux, ce qui entrave sa possibilité à trouver du travail ou à établir des relations sociales. Afsata rencontre beaucoup de difficultés pour avoir droit à « des soins de santé adéquats, à une éducation de qualité ou à un logement sûr et abordable ». 

Il faut bien l’accepter, la vie en ville est difficile pour les personnes déplacées internes, et cela nécessite une action concertée de la part du gouvernement, des organisations humanitaires et de la société civile pour améliorer leur situation.

 

Malgré les difficultés, certains PDI refusent l’aide des ONG et des bienfaiteurs.

Dans la ville de Fada, plusieurs personnes déplacées internes refusent l’aide des ONG et des bonnes volontés. Un agent humanitaire confie que plusieurs personnes déplacées internes refusent leurs aides. Il explique cela par le fait que certaines PDI “se sentent stigmatisées et ont honte de leur situation”. Pour lui, d’autres personnes déplacées internes ont des craintes liées à la sécurité ou la méfiance envers les organisations qui leur fournissent de l’aide. Il affirme qu’ «  elles préfèrent des solutions autonomies pour la résolution de leurs problèmes, même si cela signifie vivre dans des conditions difficiles ». 

Ouoba Hamyabidi est l’exemple parfait de réussite personnelle, de persévérance et de détermination. Bien qu’il ait refusé l’aide humanitaire des ONG, il a toutefois utilisé la force de son travail pour s’épanouir et devenir un entrepreneur, offrant une opportunité d’emploi à d’autres personnes déplacées internes. Son histoire montre qu’avec la bonne attitude, la persévérance et la motivation, il est possible de réussir, même dans les conditions les plus difficiles.

Hamyabidi a bénéficié de plusieurs formations en proposées par plusieurs ONG locales comme ARFA et l’Association Tin Tua. Grâce à ces formations, il est devenu un expert en coiffure et a créé son propre salon de coiffure. Aujourd’hui, Ouoba Hamyabidi emploie une personne à Fada et aide les autres déplacés internes à trouver de l’emploi et à apprendre de nouveaux métiers.

Comme lui, Fatou avait été aussi forcée de fuir son village en raison de la violence armée et avait échoué dans les zones non loties de la ville de Fada avec sa famille. Bien que l’aide humanitaire était disponible dans la zone non lotie, elle a préféré chercher un travail pour subvenir aux besoins de sa famille et regagner leur dignité. Avec de l’aide de son mari, elle a vendu des fruits et légumes sur le marché du secteur 11 de Fada et a commencé à économiser de l’argent.

“Je suis à fada depuis 2019. J’ai vendu des fruits puis préparé différentes recettes locales pour les vendre à mes voisins sur la place du Marché. Après six mois, ma cuisine est devenue très populaire et j’ai commencé à gagner suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de ma famille et économiser une petite somme chaque mois”.

 

Les personnes déplacées internes qui refusent l’aide alimentaire et préfèrent travailler font preuve d’une grande résilience face aux défis sociaux et économiques. Leur refus d’accepter la charité est une expression de leur désir de retrouver leur dignité et leur indépendance, en gagnant leur vie par leurs propres moyens. Bien que cela puisse sembler initialement être un défi pour les organisations humanitaires qui cherchent à leur fournir de l’aide, cela montre également la nécessité de reconsidérer certaines des approches traditionnelles de réponse aux crises humanitaires. Encourager et soutenir les efforts des personnes déplacées pour devenir autonomes peut être une voie vers la durabilité et la résilience à long terme.

 

Van Marcel OUOBA, Gulmu.info

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