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Fada N’Gourma : la fermeture du restaurant universitaire plonge les étudiants déplacés dans l’incertitude

C’est une fermeture annoncée, presque banale sur le papier : celle du restaurant universitaire de Fada, suspendu ce jeudi 31 juillet après le dernier dîner, comme chaque année en période de vacances. Mais dans les couloirs silencieux de l’université, le mot “vacances” résonne étrangement pour des dizaines d’étudiants déplacés, qui n’ont ni village où retourner, ni famille à retrouver, ni table à partager.

Car ici, dans la région de l’Est, dévastée par la crise sécuritaire, la fermeture du RU n’est pas un simple arrêt logistique. Elle devient le point de bascule vers une survie au jour le jour, sans repas garantis, sans aide officielle, et souvent sans espoir.

Des “vacances” sans maison, sans famille, sans ressources

Tiambiga Tondjoa, étudiant en deuxième année, regarde l’horizon sans illusion :

« Après la fermeture du restaurant universitaire, il ne sera pas facile de se nourrir. C’est une décision déplorable. Il n’y a même pas de contrat ou de petit boulot pour se soulager un peu. »
Dans sa voix, l’inquiétude se mêle à la résignation. Fada n’offre plus de refuge économique, et les filets sociaux s’effondrent.
« Un ventre creux n’a pas d’oreille pour écouter. C’est un obstacle majeur pour nous. » poursuit-il. Et comment réviser pour les concours, espérer un avenir, le cœur et l’estomac vides ?

Une solidarité qui s’effiloche

Dans cette jungle d’incertitudes, les étudiants s’organisent comme ils peuvent, tissant un réseau fragile d’entraide entre camarades.
Yonli Dieudonné confie :

« Nous survivons grâce aux relations que nous entretenons entre nous. On fait de petits travaux de main-d’œuvre, on partage le peu qu’on a, pour espérer un repas par jour. »
Mais la fatigue s’accumule, les ressources s’amenuisent, et même la solidarité trouve ses limites face à l’absence totale d’alternatives.

Parmi les plus vulnérables figurent les étudiants déplacés internes, jeunes gens qui ont fui les zones rouges, Koalou, Partiaga, Kantchari, etc,  et qui n’ont pas d’autres foyers que le campus universitaire.
L’un d’eux témoigne dans un souffle :

« Je pense qu’à mon niveau ça ne sera pas simple. Je dois obligatoirement affronter une nouvelle phase de vie. »
Une “phase” sans aide alimentaire, sans famille à proximité, sans accès régulier à un repas, souvent sans visibilité sur demain.

Un cri muet face à des autorités silencieuses

Pour beaucoup d’étudiants, la fermeture du RU est la goutte de trop dans un quotidien déjà rongé par la précarité.

« Il est temps que les responsables prennent en compte la réalité que nous vivons ici. Nous ne demandons pas le luxe, juste de quoi survivre dignement », lance Yonli.

Le Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROUF) n’a pour l’instant annoncé aucune mesure d’accompagnement, ni ouverture partielle du RU, ni distribution ciblée de vivres. Pourtant, les solutions existent : fonds de soutien, colis alimentaires, repas solidaires, appui psycho-social. Mais encore faut-il vouloir les mettre en œuvre.

1er août : un jour de composition, un jour de rupture

Ironie du sort, la fermeture intervient à la veille du lancement des concours directs de la fonction publique. Des concours cruciaux pour ces jeunes, perçus comme la seule échappatoire possible à la pauvreté et à l’insécurité.
Mais comment réussir une épreuve à jeun, quand on n’a pas dormi, pas mangé, pas su s’isoler pour réviser ?
Pour nombre d’entre eux, la double peine continue : déplacé et délaissé, affamé mais évalué.

Une jeunesse invisible qui continue de résister

Loin des projecteurs et des discours officiels, des centaines d’étudiants à Fada luttent en silence, à la croisée de toutes les violences : l’exil, la faim, l’oubli. Mais ils tiennent bon, parce que l’avenir est une idée tenace, une braise qu’on refuse d’éteindre.

En cette fin de juillet, le restaurant universitaire ferme ses portes, mais les besoins, eux, ne prennent pas de vacances. Et face au silence des institutions, les voix de ces étudiants déplacés méritent d’être entendues, relayées, soutenues.

Car un pays qui laisse ses étudiants affamés abandonne sa propre relève.

Van Marcel OUOBA

Youmanli TANKOANO, Stagiaire,

Gulmu Info

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