ActualitésCuisineCultureDécouvrir le GulmuInfo de la TapoaInfo du GourmaInfos du GulmuPolitiqueSociété

Ti Kpankpandi, la feuille sauvage qui nourrit les foyers gourmantché : entre mépris et trésor culinaire

Dans certaines régions du Burkina Faso, on la considère comme une simple plante sauvage poussant au gré des pluies. Mais dans l’Est du pays, notamment chez les Gourmantché, ti kpankpandi est bien plus qu’une herbe anodine. C’est une plante nourricière, ancrée dans les pratiques culinaires, culturelles et même médicinales d’une population qui en tire depuis toujours subsistance et fierté.

Une plante endogène sous-estimée ailleurs, valorisée ici

Scientifiquement connue sous le nom de Senna obtusifolia, ti kpankpandi pousse de manière spontanée dans les champs, jardins et bords de routes dès les premières pluies. Si elle est parfois ignorée, voire arrachée par méconnaissance, elle est en revanche activement recherchée et récoltée par les familles rurales de la région de l’Est, qui lui attribuent de nombreuses vertus alimentaires et médicinales. Pour elles, cette plante saisonnière est un trésor de la nature, notamment en période de soudure où les ressources se font rares.

L’indispensable de la cuisine gourmantché

Dans les cuisines de Fada N’Gourma, de Diapaga ou de Kantchari, ti kpankpandi est une valeur sûre. Utilisée principalement pour concocter des sauces traditionnelles, cette feuille est cuite, puis finement découpée ou pilée, avant d’être associée à du beurre de karité, du poisson séché ou de la viande. Elle accompagne le de mil ou le riz dans les foyers modestes comme lors des repas festifs.

Mais sa véritable apothéose culinaire se révèle dans le kalambayari, un plat emblématique de la région. Ce mets raffiné, souvent réservé aux grandes occasions ou aux retrouvailles communautaires, marie feuilles de ti kpankpandi, et céréales locales (mil, maïs ou riz). Symbole de partage et de cohésion sociale, le kalambayari est aussi une marque identitaire forte pour les Gourmantché.

le kalambayari
                                                  Le kalambayari

Au-delà de la cuisine, un remède de la nature

Loin de se limiter à la gastronomie, le ti kpankpandi est également utilisé en médecine traditionnelle. Les anciens lui attribuent des vertus thérapeutiques dans le traitement des maux de ventre, de l’hypertension ou des piqûres d’insectes. Riche en calcium, en fer et en protéines végétales, cette plante contribue à la lutte contre la malnutrition, notamment chez les enfants.

Une ressource de survie, mais aussi un levier économique

Dans un contexte de précarité rurale, ti kpankpandi est aussi source de revenu, particulièrement pour les femmes, surtout celles déplacées internes. Celles-ci le récoltent et le vendent sur les marchés locaux, participant à la dynamique de l’économie locale. Sa consommation fréquente en saison des pluies en fait un aliment stratégique pour l’autosuffisance alimentaire, à l’heure où la sécurité nutritionnelle est un enjeu majeur.

Préserver ce patrimoine vivant

Alors que le monde agricole tend à privilégier des cultures plus « modernes » et pour certains habitants de l’Est, « il est essentiel de préserver cette plante patrimoniale, qui incarne à la fois la résilience face aux crises alimentaires et la richesse des savoirs locaux » à l’instar de Tapoa Nassouri, femme déplacée interne.

Le ti kpankpandi n’est pas qu’une herbe sauvage : c’est un pilier de la souveraineté alimentaire locale, un témoin vivant des traditions, et une réponse écologique aux défis du présent. Pour les Gourmantché, c’est bien plus qu’une plante, c’est un legs culturel et nutritionnel, transmis de génération en génération. Une plante à chérir, à protéger… et à ne plus jamais sous-estimer.

Pélagie COMBARY, Stagiaire, Gulmu Info

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *