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Fada, ville piégée par l’écran : la jeunesse dévorée par les jeux d’argent

Dans les rues de Fada N’Gourma, les écrans ont remplacé les terrains de foot. Les cafés, les kiosques téléphoniques, les cours familiales : partout, des adolescents et de jeunes adultes scotchés à leurs téléphones, absorbés par les jeux de hasard en ligne. Une addiction silencieuse, massive et destructrice, que rien ne semble pouvoir endiguer.

Le constat est brutal.
Sur dix jeunes rencontrés dans la ville, neuf jouent quotidiennement à des jeux d’argent en ligne. « On joue pour espérer… même si on perd presque toujours », lâche l’un d’eux, capuche sur la tête, doigts nerveux sur l’écran fissuré de son smartphone.

Derrière ce loisir devenu réflexe, se dessine une spirale qui engloutit une génération entière.

Cinq heures par jour à “espérer” gagner

À Fada, la scène est récurrente : jeunes alignés comme devant un tableau invisible, hypnotisés par des paris instantanés, des roues colorées, des jeux de cartes numériques.
Sept sur dix affirment y consacrer au moins cinq heures par jour.

« Tu joues, tu joues… tu te dis que la prochaine fois, ça va passer. »
Mais ça ne passe presque jamais.

Parmi les personnes interrogées, deux seulement disent avoir déjà obtenu un gain « important ». Un seul a tenté de retirer son argent : l’application a bloqué l’opération. « Tu fais le retrait, mais le retrait ne passe pas. L’application t’oblige à la fin à rejouer tout ton argent», raconte-t-il, résigné.

Argent envolé, dettes, et… prison

Derrière l’apparente banalité de ce divertissement digital se cache une réalité autrement sombre : les jeux en ligne ruinent les jeunes.

Plus de sept d’entre eux reconnaissent avoir déjà été incarcérés pour des dettes contractées après des paris perdus.
La mécanique est simple : manque de liquidités pour continuer à jouer, pression du groupe, tentation d’emprunter, parfois sans prévenir, parfois sans autorisation.
Puis viennent les plaintes, les arrestations, les séjours en cellule.

« J’ai parié l’argent du travail d’un ami… je voulais doubler et le lui rendre. Je n’ai rien gagné. On m’a mis à la maison d’arrêt. »
Le récit revient comme un écho d’un jeune à l’autre.

Les pertes financières sont énormes, mais souvent tus.
Entre honte familiale, illusions de gains futurs et dépendance, la parole se libère difficilement.

Un piège psychologique parfaitement huilé

Les plateformes misent sur les failles : dopamine, récompenses rapides, couleurs vives, bruitages.
Pour des jeunes vivant dans un contexte économique fragile, ces jeux deviennent une promesse de richesse instantanée, un raccourci vers un avenir qui semble bouché.

Un mirage.

« Ils nous disent que c’est facile de gagner… Mais c’est eux les gagnants, pas nous », murmure un étudiant.

À Fada, des vies entières se jouent sur un écran

L’addiction n’est plus une menace lointaine : c’est un phénomène massif, profond, socialement destructeur.
Des élèves abandonnent les cours, des apprentis désertent les ateliers, des salariés perdent leur paie avant même le week-end.

Familles brisées.
Amitiés fissurées.
Confiance perdue.
Prison pour certains.
Pour d’autres, des dettes qu’ils ne pourront jamais rembourser.

La plupart continuent pourtant de jouer.

Une génération en demande d’écoute, pas de jugement

Face à ce fléau, les jeunes ne rejettent pas l’idée d’être aidés.
Ils reconnaissent être pris au piège, cherchent des repères, réclament des espaces d’échange et de prévention.

Mais rien, pour l’instant, ne semble pouvoir rivaliser avec la puissance des applications.

« On sait que c’est mauvais… mais arrête comment ? »

À défaut d’une réaction rapide, familles, écoles, autorités, associations, la ville risque de voir toute une génération se dissoudre dans les écrans lumineux d’une promesse impossible : celle de gagner sans perdre.

À Fada, aujourd’hui, les jeux en ligne ne divertissent plus.
Ils dévorent.

Van Marcel OUOBA, Gulmu Info

Image d’illustration

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