ActualitésInfo de la TapoaInfo du GourmaInfos du GulmuPolitiqueSociété

Fada N’Gourma : l’inquiétante disparition de Frank Yonli, 14 ans, révèle les failles de la protection des enfants

Un adolescent parti sans prévenir, un inconnu identifié, une famille désemparée… L’affaire qui secoue la capitale de l’Est met en lumière les réseaux opaques qui exploitent la vulnérabilité des mineurs.

Il est un peu plus de dix heures ce lundi matin à Fada N’Gourma lorsque la nouvelle commence à circuler dans les ruelles poussiéreuses du secteur 6. Frank Yonli, 14 ans, n’est plus à la maison. L’adolescent, scolarisé et décrit comme « obéissant » par ses proches, a quitté le domicile familial avec un homme que sa mère et ses sœurs ne connaissent pas.

Cet homme, qui se présente comme orpailleur, a convaincu Frank de le suivre pour un voyage. Destination annoncée : le Mali. Une promesse de travail, peut-être une aventure qui a séduit l’imaginaire d’un garçon de son âge. Mais l’absence de consentement parental transforme rapidement l’affaire en un cas préoccupant d’enlèvement.

Une identité mystérieuse, une trace fragile

Alertée, la famille fouille dans ses contacts. Une piste émerge grâce à une copie de la Carte nationale d’identité laissée dans une agence de téléphonie. L’homme existe bel et bien, il a un nom, une identité. Il s’appelle YABRE Jean-Baptiste.

La carte d'identité retrouvé de YABRE Jean Baptiste, le raviseur
La carte d’identité retrouvé de YABRE Jean Baptiste, le raviseur

Contacté par téléphone, il ne nie rien. Pire encore, il confirme avoir Frank avec lui. L’adolescent a même pu parler à ses parents, leur disant qu’il se trouvait à Ouagadougou. Une brève lueur d’espoir, mais aussi un élément qui renforce l’angoisse : où sera-t-il conduit ensuite ? Mali ? Niger ? Côte d’Ivoire ?

« Nous ne savons pas ce qu’il veut réellement, mais ce qui est sûr, c’est que notre enfant n’était pas au courant de tout ça, et nous encore moins », souffle la mère de Frank, épuisée.

La peur d’un trafic transfrontalier

À Fada, capitale d’une région de l’Est fragilisée par les violences armées et la précarité économique, les cas d’enfants arrachés à leurs familles se multiplient. Des réseaux de trafics – exploitation minière, travail forcé, migration clandestine, voire traite – profitent de la misère et de l’absence de contrôle sécuritaire.

Un enquêteur local confie sous anonymat : « Ces hommes repèrent les jeunes dans les familles vulnérables. Ils leur promettent de l’argent facile ou une vie meilleure. Mais dans beaucoup de cas, c’est un piège qui se termine dans des sites d’orpaillage clandestins, des réseaux criminels, ou pire encore. »

Le cas de Frank Yonli s’inscrit dans ce schéma inquiétant.

La famille, dernier rempart

Face à l’incertitude, la famille a lancé un appel pressant à l’aide. Deux numéros de téléphone ont été diffusés pour recueillir tout témoignage ou toute information : +226 63 92 94 63 / 57 68 01 71.

Leur crainte est simple : que Frank disparaisse à jamais, happé par ces circuits invisibles où les enfants deviennent une marchandise.

Dans les quartiers de Fada, la solidarité s’organise. Des voisins scrutent, d’anciens camarades de classe partagent des messages, et sur les réseaux sociaux, la photo de Frank circule. Mais le temps presse : chaque heure qui passe éloigne un peu plus l’adolescent de sa famille.

Une affaire symptomatique d’une région vulnérable

Ce drame vient rappeler combien les failles sécuritaires et la vulnérabilité sociale fragilisent les plus jeunes. À Fada, comme ailleurs au Burkina, les familles vivent dans une double angoisse : celle des attaques armées et celle des disparitions d’enfants.

Dans un pays en guerre où l’État peine à contrôler les frontières et les mobilités, l’histoire de Frank n’est malheureusement pas isolée. Elle met en lumière l’urgence d’une politique de protection des mineurs plus rigoureuse et d’une sensibilisation accrue des parents aux risques d’enrôlement.

Et maintenant ?

Alors que Frank Yonli est peut-être encore quelque part au Burkina, ou déjà en route vers un autre pays, la famille garde espoir. Les autorités locales ont été alertées, mais les moyens sont limités.

Cette disparition est plus qu’un fait divers : elle est le révélateur d’une crise silencieuse, celle d’une jeunesse en proie aux illusions des recruteurs, aux promesses d’or, aux rêves d’ailleurs, mais aussi aux dangers de réseaux criminels transfrontaliers.

À Fada, une seule question résonne désormais : reverra-t-on Frank sain et sauf ?

À suivre : Gulmu Info poursuivra ses investigations et tiendra ses lecteurs informés de chaque évolution.

Van Marcel OUOBA, Gulmu Info

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *