Fada N’Gourma : les médias du Gourma réclament une place au cœur du développement local
La salle de conférence du Haut-Commissariat de Fada N’Gourma a hébergé une réunion pas comme les autres le À la table des échanges, journalistes, représentants de collectivités, partenaires techniques et financiers, mais aussi autorités locales, se font face.
Ce jour-là, le Cadre de concertation provincial du Gourma a des airs de grande assemblée démocratique. L’enjeu : redéfinir la place des médias dans le développement local.
« C’est une belle occasion que le Haut-commissaire a offerte aux hommes de médias pour partager leurs préoccupations », glisse Jean-Louis Ouango, journaliste-reporter d’images à Fada.
Autour de lui, les professionnels de la presse locale hochent la tête : l’espace public a enfin ouvert ses portes à leurs voix.
Une rencontre d’écoute et de dialogue
La troisième session extraordinaire du Cadre de concertation provincial, convoquée par le Haut-Commissaire du Gourma, marque un tournant symbolique.
Loin des discours institutionnels convenus, les échanges ont permis d’aborder sans détour les obstacles qui freinent la contribution des médias à la vie publique : manque de moyens, absence de cadre formel de collaboration, faible reconnaissance du métier.
« Quand il y a une convention, on communique mieux et on vulgarise plus », a lancé un participant.
« La finalité reste le bien-être des populations. »
Ces mots résument le cœur du plaidoyer porté par les médias du Gourma : être associés dès la conception des politiques publiques et bénéficier d’un appui structuré pour informer efficacement.
Les médias, un maillon stratégique du développement territorial
Les représentants de la presse ont insisté sur trois axes majeurs :
1️⃣ Rappeler la diversité et la vitalité du paysage médiatique local, composé de radios communautaires, journaux en ligne, correspondants régionaux et jeunes créateurs de contenus.
2️⃣ Mettre en lumière les difficultés concrètes : précarité financière, matériel obsolète, manque de formation continue.
3️⃣ Proposer un modèle de collaboration durable entre les médias, les autorités locales et les PTF.
À travers ces revendications, les journalistes du Goulmou veulent rompre avec une logique de simple “prestataire de communication”. Ils demandent à devenir des partenaires à part entière dans la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques.
Plaidoyer pour une reconnaissance institutionnelle
Derrière le micro, une voix féminine s’élève : « Nous avons des anciens qui, par passion, continuent à servir. Il serait bien de penser à les honorer. »
L’intervention touche la salle. Car au-delà des difficultés matérielles, c’est aussi une question de reconnaissance morale qui se pose.
Certains plaident pour que les doyens du métier reçoivent des lettres de félicitations, des décorations, ou simplement un mot de remerciement public.
Les médias du Gourma réclament aussi une innovation budgétaire : que chaque projet de développement intègre une ligne “communication”, destinée à financer la sensibilisation, la couverture médiatique et le suivi des activités.
Une idée simple, mais structurante, pour sortir la communication du statut d’appendice souvent négligé.
Vers un partenariat gagnant-gagnant
Les débats ont aussi révélé une volonté partagée de travailler autrement.
Les représentants d’ONG et de PTF présents à la rencontre ont reconnu la pertinence du plaidoyer médiatique. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs salué la qualité du travail des radios locales, particulièrement dans la sensibilisation sur la cohésion sociale et la gouvernance.
Mais ils ont aussi exprimé une attente : que les journalistes consacrent plus d’espace aux sujets de développement — agriculture, santé, éducation, environnement — souvent éclipsés par l’actualité sécuritaire.
Les journalistes, eux, ont répondu sans détour :
« Nous faisons tout pour travailler dans le professionnalisme, mais il faut aussi comprendre nos contraintes techniques et éditoriales. »
Un échange sincère, lucide, qui témoigne d’une volonté de bâtir la confiance sur la transparence.
Une presse locale en quête de légitimité
La presse du Gourma est jeune, diversifiée et profondément ancrée dans les réalités sociales.
Entre radios rurales, plateformes en ligne et initiatives citoyennes, elle constitue le principal vecteur d’information dans une région marquée par l’insécurité et la désinformation.
Pourtant, son rôle reste souvent sous-estimé.
Le Haut-Commissariat, en initiant cette démarche, envoie un signal fort : la communication n’est plus un luxe, mais une condition de gouvernance.
Le défi désormais sera de traduire ces bonnes intentions en cadre formel, à travers des conventions, des formations et un dialogue continu entre institutions et journalistes.
Cette troisième session du Cadre de concertation provincial du Gourma ne s’est pas contentée d’échanger des idées. Elle a ouvert une perspective : celle d’un nouveau contrat de confiance entre les médias et les autorités locales.
Les journalistes repartent avec des promesses, mais surtout avec l’espoir que cette dynamique ne s’arrête pas aux discours.
À Fada N’Gourma, où chaque information peut devenir un outil de paix ou de cohésion, les médias ne veulent plus être de simples témoins :
ils aspirent à être les architectes du changement, les porte-voix des communautés, les chroniqueurs du développement durable.
Issa THIOMBIANO, Gulmu Info
