Concours 2025 : et les jeunes sous blocus, on en fait quoi ?
Alors que le calendrier national avance vers le 1er août 2025, date de lancement officiel des compositions des concours directs de la fonction publique, une frange entière de la jeunesse burkinabè, celle vivant dans les zones sous blocus de l’Est, est déjà hors course. Ils s’appellent Amidou, Mimbuaba, Ousmane ou Rosalie. Ils ont étudié à Bartiébougou, Madjoari, Kompienga, Tankoualou, Logobou ou Diapaga. Leur rêve ? Travailler pour leur pays, décrocher une vie digne, porter l’uniforme, entrer dans une classe, soigner, servir, construire. Mais ce 1er août, ils ne composeront pas. Non pas parce qu’ils ont échoué au test, mais parce que l’État a oublié de leur offrir une ligne de départ.
Un concours national, une exclusion territoriale
Dans ces localités encerclées par l’insécurité et abandonnées par l’administration, pas de cybercafé, pas de réseau téléphonique, pas d’internet. Les inscriptions en ligne, exigées pour tous, se sont transformées en un luxe inaccessible. Les concours se sont déroulés sans eux.
Et même pour ceux qui, grâce à un enseignant de passage ou un parent réfugié à Fada, ont pu s’inscrire à temps, le mur reste infranchissable : les routes sont minées, les axes contrôlés, les transports inexistants. À l’heure où les copies seront distribuées dans les classes de Fada N’Gourma ou de Ouagadougou, eux seront encore bloqués dans leurs villages, la peur pour seule boussole, le silence pour tout horizon.
Une génération sacrifiée en silence
Ce n’est pas seulement un concours manqué. C’est une opportunité arrachée, un avenir amputé, un espoir asphyxié. Depuis plusieurs années, cette jeunesse tient debout, sans école stable, sans électricité, sans repères fixes, mais avec une foi puissante dans la République. Ils ne demandent pas de faveur. Ils demandent un droit : celui de pouvoir participer.
Pendant ce temps, les discours ministériels évoquent l’équité, les slogans célèbrent « l’égalité des chances », et les rapports officiels se félicitent du nombre de postes ouverts. Mais derrière les chiffres et les procédures en ligne, il y a l’absence d’un peuple. Celui des oubliés des concours.
L’exclusion est aussi une fracture nationale
Ce 1er août 2025 sera aussi une date de rupture. Car à chaque concours manqué par un jeune déplacé, c’est une fracture de plus dans l’unité nationale. Comment bâtir un pays avec des citoyens classés selon leur géographie, leur connectivité, leur accès aux infrastructures ? Comment parler de méritocratie quand des centaines de jeunes sont délibérément écartés du processus, sans voix, sans recours, sans explication ?
Et si l’on n’y prend garde, cette marginalisation silencieuse alimentera le ressentiment, l’abandon, la colère.
Une République qui se doit d’être réparatrice
Face à ce constat, le temps n’est plus aux regrets, mais à l’action. L’État burkinabè doit adapter son système de concours à la géographie de la crise :
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Créer des centres de composition dans les zones de repli ou humanitaires sécurisées.
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Mettre en place des systèmes d’inscription manuelle via les services déconcentrés.
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Prévoir des concours exceptionnels pour les jeunes déplacés et bloqués.
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Organiser des rattrapages ou concours différés pour les zones à haut risque.
Car la République n’est pas une abstraction. Elle se mesure à sa capacité à inclure les plus vulnérables, surtout quand tout vacille.
Un cri de cœur venu de l’Est
« Nous avons étudié jusqu’en terminale. On se réunit en groupe le soir pour ne pas oublier. On rêve encore de passer les concours. Mais on est pris au piège. Les seuls concours qu’on nous impose, c’est l’armée et le volontariat pour la défense de la Patrie »
Ces mots, murmurés par un jeune de Pama, déplacé à Kompienga, résonnent comme une supplique : ne nous oubliez pas.
Le 1er août, pendant que les stylos gratteront les copies dans les salles de Fada, eux regarderont le ciel, comptant les jours, espérant qu’un jour, la justice passe aussi par leurs villages.
✍️ Van Marcel OUOBA
Journaliste – Région de l’Est, Burkina Faso
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