ActualitésCultureInfo de la TapoaInfo du GourmaInfos du GulmuPolitiqueSociété

À Fada N’Gourma, les femmes rurales prennent leur destin en main

Elles sont venues de dix régions du Burkina, parfois de très loin, parfois à leurs frais. Cent femmes, cent visages déterminés, cent histoires marquées par la résilience, réunies dans la salle du Conseil régional de l’Est, à Fada N’Gourma. Leur objectif ? Mieux comprendre l’argent. Mieux le gérer. Et surtout, en faire un levier d’émancipation dans un pays où l’inégalité est une donnée quotidienne. L’éducation financière, dans ce contexte, sonne comme un mot d’ordre, presque un acte de rébellion douce.

Une réponse politique au silence économique

L’initiative porte la signature du Consortium des Organisations des Femmes Rurales Leaders du Burkina Faso (COFRL-B). Dans le cadre d’un projet axé sur le plaidoyer contre les violences basées sur le genre (VBG), le COFRL-B a misé sur l’éducation financière comme un outil de survie, mais aussi comme un instrument de reconquête de pouvoir. Celui de décider, de planifier, de dire non. Celui de compter sur soi, au sens propre comme au figuré.

Les 29 et 30 juillet, à Fada, il ne s’est donc pas seulement agi de chiffres, de budgets ou de microcrédits. Il s’est agi de liberté. De celle que l’on arrache, méthodiquement, par la connaissance et la solidarité. « Il ne peut y avoir d’autonomisation sans pouvoir économique », martèle Rahamata Leatitia Koudougou, présidente du COFRL-B, devant une assemblée attentive, venue écouter, apprendre, et surtout transformer ses acquis en actes.

Au cœur du pays, une pédagogie de la résistance

La cérémonie d’ouverture a été à la hauteur des enjeux. Siaka Ouattara, Secrétaire général de la région de l’Est, a salué l’engagement de ces femmes qui « refusent d’être réduites à des statistiques ou des victimes ». Pour Ténipagba Dominique Ouoba, représentant du préfet, « cette formation est un coup porté contre l’immobilisme, un geste pour un Burkina plus résilient, plus juste ».

Sur les bancs, des femmes déplacées internes, des agricultrices, des commerçantes, toutes confrontées à la pauvreté, l’exclusion, l’insécurité, mais qui, ici, découvrent qu’une feuille de budget bien remplie peut devenir un manifeste d’autonomie.

Changer la vie, un livret d’épargne à la fois

Elles repartent avec des fiches de calcul, des plans de gestion simplifiés, des stratégies de mobilisation de fonds. Mais aussi avec des rêves rallumés. Car la formation a aussi été un espace de parole, de guérison, de transmission. Dans les couloirs, on échange des astuces, des numéros, des récits de survie transformés en récits de combat.

Et c’est là, sans doute, la plus grande réussite du COFRL-B : avoir transformé une session de formation en espace de reconstruction sociale. Pas de grand discours, pas de promesses. Juste des outils. Et cette conviction obstinée : l’autonomie économique est un droit.

Un pas vers l’avenir, à condition de tenir la distance

Mais ce souffle ne pourra durer sans relais. La formation doit être suivie d’effets. D’accès au crédit, d’accompagnement, de politiques publiques ambitieuses. Le COFRL-B lance un appel, non déguisé, aux partenaires techniques, aux bailleurs, aux décideurs : « Ne laissez pas cette flamme s’éteindre. »

Car derrière chaque micro-projet se cache un foyer nourri, une fille scolarisée, une violence évitée. À Fada, le temps de deux jours, les femmes ont pris la parole, leur avenir entre les mains. Et elles ne comptent plus le lâcher.

 

Sylvie DABINI, Stagiaire,  Gulmu.info

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *