Fada N’Gourma – Route de Tankibargou : le tombeau ouvert que l’on continue d’ignorer
Chaque jour qui passe pourrait être le dernier pour les usagers de la route de Tankibargou, tristement rebaptisée par les riverains : « le tombeau ouvert ». Ce tronçon, qui relie le cœur de Fada à la sortie nord-est vers Tankibargou, est devenu un couloir de danger permanent, où les vies humaines se jouent à chaque instant au rythme des embouteillages, des imprudences, et de l’anarchie urbaine.
Une route piégée par l’occupation anarchique et le silence des autorités
À première vue, rien ne semble anormal : des étals de fruits et légumes, des échoppes de fortune, des mécaniciens installés au bord de la voie, des motos, des enfants… Pourtant, derrière cette animation commerciale, se cache une réalité tragique et meurtrière.
D’après les témoignages recueillis sur place, trois causes principales reviennent systématiquement :
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L’encombrement de la chaussée par les boutiques et étals installés sans régulation ;
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Le non-respect des règles d’occupation du domaine public ;
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Le très mauvais état de la route, qui présente des nids-de-poule, un mauvais drainage et une signalisation inexistante.
Un lourd tribut payé en vies et en souffrances
Entre janvier 2024 et août 2025, pas moins de 16 accidents ont été recensés sur cette seule voie, dont 2 mortels. Le plus dramatique reste que la majorité des victimes sont des enfants de moins de 15 ans, fauchés alors qu’ils traversaient la route pour aller à l’école, jouer ou simplement aider leurs parents à vendre.
À cela s’ajoutent 4 blessés graves, dont certains vivent aujourd’hui avec des handicaps permanents. Plusieurs autres sont toujours en convalescence. Des familles brisées, des enfances volées, des destins arrêtés… et une indifférence qui interroge.
« Ce n’est plus une route, c’est un piège à ciel ouvert. On vit ici avec la peur constante qu’un drame arrive à tout moment », confie une mère de famille, dont l’étal donne directement sur la route.
Quand la voie publique devient marché, parking et zone de survie
La route de Tankibargou illustre, à elle seule, les tensions urbaines générées par l’afflux massif des personnes déplacées internes (PDI) dans la ville de Fada N’Gourma. Ce tronçon traverse un nouveau quartier spontané, né de l’urgence humanitaire, où des centaines de familles, déracinées par l’insécurité, ont trouvé refuge depuis plusieurs mois, voire années.
Faute de planification et d’infrastructures adaptées, la voie s’est rapidement transformée en un espace polyvalent et chaotique : marché de fortune, aire de jeux pour enfants, zone de stationnement improvisée, espace de subsistance pour des familles sans autre alternative. Des échoppes s’alignent aux abords de la route, des étals débordent sur la chaussée, et la circulation y devient imprévisible et dangereuse.
Dans ce contexte, ce n’est pas l’illégalité qui domine, mais la précarité. Cette route, censée fluidifier la circulation, est devenue un espace de survie, un lieu où chaque mètre carré est disputé entre nécessité économique, urgence sociale et insécurité routière.
Face à cette réalité, l’absence de réponse urbanistique coordonnée – éclairage, voies piétonnes, aménagements de sécurité, zones marchandes désignées – renforce les risques et invisibilise les besoins spécifiques des populations déplacées, qui ne demandent pourtant qu’à vivre dignement.
Ce nouveau quartier, né dans l’urgence, ne peut rester en marge des politiques publiques. Il appelle une réponse à la hauteur de la situation humanitaire qu’il incarne : humaine, inclusive et sécurisante.
Une interpellation citoyenne : la vie humaine n’a pas de prix
Face à cette situation alarmante, la population lance un appel pressant aux autorités locales, notamment au Président de la Délégation Spéciale de la Commune de Fada N’Gourma. Il est urgent de :
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Dégager la voie publique des installations anarchiques ;
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Réhabiliter le tronçon, avec signalisation, ralentisseurs et aménagements piétons ;
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Renforcer la sensibilisation à la sécurité routière auprès des riverains et commerçants ;
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Protéger les enfants, notamment aux heures d’entrée et de sortie des écoles proches.
Le droit à la sécurité est un droit fondamental. La route de Tankibargou ne doit plus être une zone de non-droit où chaque trajet devient une roulette russe.
Si les usagers ont leur part de responsabilité dans la sécurité routière, c’est bien aux autorités municipales et de sécurité publique qu’incombe le devoir de réguler, sécuriser et humaniser les espaces urbains. Car tolérer l’anarchie, c’est condamner à mort.
Tant que rien ne sera fait, la route de Tankibargou continuera de porter tristement son nom de « tombeau ouvert ».
Van Marcel OUOBA, Gulmu Info