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Réquisitions de magistrats pour le théâtre militaire : le Tribunal administratif déclare l’ordre « manifestement illégal »

Le Tribunal administratif de Ouagadougou a rendu un verdict sans équivoque le 14 août 2024, en statuant en référé sur la réquisition du magistrat Harouna Yoda par le Commandement des opérations du théâtre national (COTN). L’ordre a été jugé « manifestement illégal », marquant un tournant important dans le bras de fer entre certains magistrats et l’appareil militaire.

Une décision fondée sur les droits fondamentaux

Selon l’ordonnance consultée par gulmu.info , la juridiction a estimé que la réquisition contestée portait atteinte aux libertés fondamentales du requérant. En conséquence, le tribunal a enjoint à l’État burkinabè de garantir à M. Yoda son droit à ne pas subir de traitements humiliants ou dégradants, en référence aux standards juridiques et aux engagements internationaux du Burkina Faso en matière de droits de l’homme.

Le tribunal a par ailleurs condamné l’État à verser 500 000 FCFA à M. Yoda, en compensation des frais engagés, exclus des dépens.

Des réquisitions controversées

L’affaire Harouna Yoda n’est pas isolée. Deux autres magistrats, André-Roger Zoungrana et Gafarou Abdoul Nacro, avaient également saisi la justice administrative après leur réquisition pour le théâtre militaire. Le Tribunal administratif de Bobo-Dioulasso, dans une décision rendue la veille, le 13 août 2024, avait déjà jugé « illégale » leur convocation par les autorités militaires.

Ces décisions judiciaires interviennent dans un contexte de tensions croissantes entre les pouvoirs judiciaire et militaire, où certaines réquisitions de civils — notamment de magistrats — dans le cadre des opérations militaires nationales suscitent une levée de boucliers dans les milieux juridiques et au sein de la société civile.

Une jurisprudence sensible

Les décisions des tribunaux administratifs de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso constituent une jurisprudence importante, en affirmant le principe selon lequel aucune mesure administrative, même en période de crise sécuritaire, ne saurait primer sur les droits fondamentaux des citoyens — y compris ceux qui exercent des fonctions judiciaires.

Reste à voir si l’État se conformera rapidement aux injonctions de la justice et s’il renoncera à ce type de réquisitions, qui suscitent non seulement des recours mais également une vive inquiétude quant au respect de la séparation des pouvoirs et de l’État de droit.

Van Marcel OUOBA, Gulmu Info

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