Lutte contre le terrorisme à l’Est: Incapacité ou Négligence ?

Le terrorisme se déploie sur toute l’étendue de la région de l’Est. La menace est très grande, et les forces de défense et de sécurité (FDS) peinent à contrer les attaques. Les terroristes endeuillent tous les jours les populations. Pour assurer la sécurité dans cette région, le Gouvernement a nommé un gouverneur gendarme et mis en place un renforcement sans précédent des moyens et des effectifs dans la police,l’armée et les services de renseignement. Malheureusement, plus de quatre ans après, le bout du tunnel peine à se montrer. Incapacité ou Négligence, seul l’espoir fait vivre dans le Gulmu.

Le terrorisme constitue pour la région de l’Est une menace stratégique pour la paix et la sécurité collective. Il est donc impératif de trouver des solutions définitives contre ce fléau. Cela nécessite des moyens et de la méthode, en un mot une stratégie.

Une stratégie existe-t-elle dans la région de l’Est pour contrer le terrorisme?

Tout porte à croire que non. Après les premières attaques terroristes courant mars 2016, il a fallu attendre le 07 mars 2019 pour déclencher l’Opération OTAPUANU sur instruction du Chef Suprême des Forces Armées Nationales et conduite par l’Etat-Major Général des Armées. A cet effet, les Forces Armées Nationales en coordination avec les Forces de Sécurité intérieure se sont déployées dans les Régions du Centre-Est et de l’Est.

Dès le 12 Avril 2020, Le Chef d’état-major général des armées Moïse Miningou a déclaré devant la presse, que l’opération a “globalement” atteint ses objectifs. Cette conférence a redonné un grand espoir aux populations des régions de l’Est et du Centre-Est qui n’a duré que quelques jours. Alors qu’il affirmait que « la peur a un peu changé de camp », aujourd’hui le peuple de l’Est vit dans une peur totale. La mission qui était de restaurer l’autorité de l’Etat dans la zone a lamentablement échoué. Tous les symboles de l’Etat ont disparu dans au moins dix communes de la région, vivant totalement sous le contrôle des forces terroristes.

Les attaques meurtrières de Kompienbiga et de Namoungou soulignent combien la menace terroriste pèse lourdement sur la région. Ainsi, comme l’a précisé le président du Faso à la suite de l’attaque de Namoungou sur sa page Facebook,  « Nous devons rester constamment convaincus que nous devons défendre vaille que vaille le Burkina Faso, tel que ceux qui nous ont précédé nous l’ont laissé. Je pense que nous ne faillirons pas à cette tâche, malgré les difficultés qui jonchent le chemin « .

Malheureusement, tout laisse croire au vu des actions sur le terrain, que la seule stratégie mise en place est la rédaction de communiqués pour condamner avec la dernière énergie chaque attaque relayée sur les réseaux sociaux ou les médias. Les modes d’action, les cibles, les processus, de natures diverses, et en perpétuelle évolution démontrent l’incapacité de la stratégie actuelle pour barrer la route à ces fous de Dieu.

Pourquoi on peine à combattre les terroristes dans la région de l’Est?

« L’état d’urgence, c’est de la réactivité, de l’efficacité dans le cadre de notre état de droit. Ce n’est pas l’abandon de l’état de droit. » avait dit Manuel Valls, le 19 juillet 2016, à l’Assemblée nationale. En initiant l’opération «Otapuanu», l’Etat Major a certes transformé unilatéralement la région de l’Est en champ de bataille potentiel, impliquant de facto la quasi-totalité les fils de la région. Mais bien que l’administration développe depuis le début de cette guerre des velléités autoritaires, il n’en reste pas moins que les fils du gulmu sont victimes de cette guerre, puisqu’ils paient de leurs vies.

En dépit d’user de la « guerre contre le terrorisme » et de blâmer les populations dans sa conduite dans cette guerre, peu de FDS peuvent se prévaloir d’une quelconque exemplarité en la matière. À l’état d’Urgence instauré par le Gouvernement et le couvre-feu décrété par le gouverneur, leur stratégie contre-terroriste, semble ne pas répondre. Elle semble altérer en profondeur les bases sur lesquelles la région repose. L’économie se meurt et le nombre de déplacés ne fait qu’augmenter. Mais depuis plus de deux ans, la même stratégie est appliquée et renouvelée. En témoignent les communiqués du gouverneur relatifs au couvre-feu.

« Suspicion »vers une méfiance sociale

En proclamant l’état d’urgence en décembre 2018 dans plusieurs provinces du pays, le président du Faso, octroyait aux FDS à ce titre une gamme de pouvoirs bien plus étendue que celle dont ils auraient disposé en adoptant une approche pénale. En effet, l’état d’urgence engendre une limitation sévère, voire une violation caractérisée des droits des citoyens.

Dans une situation d’Etat d’Urgence, les libertés civiles constitutionnelles (protection des citoyens contre toute saisie et perquisition non motivée, liberté intellectuelle et respect de la vie privée, traitement équitable, jugement en public par un jury impartial, interdiction de la détention arbitraire, égalité devant la protection juridique, ou encore assurance constitutionnelle sur l’ordonnance d’habeas corpus) ne sont plus respectées.

Elle crée des déséquilibres sociales non négligeables et potentiellement néfastes à long terme. Les habitants d’un même village commencent à se méfier les uns des autres.Une méfiance qui a long terme risque de créer des conflits inter-communautés.

Cependant, il faut tout de même souligner que même si le résultat de ces actions tardent à se faire connaître, celui-ci est vivement attendu par les populations. Quoi qu’il en soit, les politiques actuelles antiterroristes altèrent les fondements de la région. Il interpelle en tout état de cause les capacités de résilience politique et sociétale de la région. Car en effet, en plus des actions militaires, il faut des actions politiques fortes afin de construire une vision de la société et de ce qu’elle devrait être et acceptée par tous . Et celles qui nous sont proposées depuis 2018 méritent d’être attentivement surveillées et questionnées.

Van Marcel OUOBA, Gulmu Info

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